Inventaire émotionnel des dernières survivances cardio-sismiques
au-delà du 60e parallèle cérébral sud
Jean-Louis Dubois-Chabert
Maintenant que plus rien n'existe
Ni les mots ni les rêves,
Maintenant que plus rien ne m'agite
Ni sève
Ni souffle
Ni sang,
Pas même le désir du néant,
Je vais nu comme avant le temps et le chagrin, le prime vent, la primevère,
Avant le satin du premier matin d'hiver.
Comme quand j'étais braconnier d'équinoxes,
Dompteur d'oxymores, inconnu des équations, des codes-barres, des radars.
Amniotique et déserté, j'étais chanteur quantique, danseur d'écliptiques,
Sans plan sur la comète,
Sans queue ni tête.
J'attendais là, lové au nadir,
À dire des aurores,
À prédire des envolées, des pétales,
Des horreurs boréales.
J'attendais là, inondé,
Là où roule la houle amère du point du jour, du point de non-retour,
Là où la mer se terre encore dans le décor étrange d'un corps étranger
Maintenant que le vif pèse autant que le lent,
Que mes yeux n'ont pour ultime horizon que le rêche de ce drap blanc,
Dans cette chambre sans table sinon celle des matières,
L'antichambre de l'antimatière,
Maintenant que rien n'a plus de sens : enfance, violence, arrogance...
Quelle importance l'air, les nues, les annuaires, le vert des rizières ?
Dérisoire, j'erre nu dans l'éther,
Infime influx électrique, onirique effluve à la dérive
Sur la rive des rêves-fleuves d'un géant inouï
Alangui au-delà des dunes-frontières d'un univers évanoui.
Partir partout ? J'en suis revenu.
Meknès, Paros, Sidi Bel Abbès, Laos... dans quel but ?
Nha Trang, Luang Prabang, Angkor... perdu l'azimut.
J'ai essayé l'errance
Goûté la danse, la transe, les substances
J'ai bu, j'ai cru, j'ai sué...
Couru après des femmes à barbelés.
J'ai suivi des hommes affables, fait tourner des tables,
Ausculté les nombres, fouillé le sombre...
Tout ça, je l'ai fait.
J'ai pleuré des égéries et j'ai tari mes larmes
Foutaises, le miel ! Foutaises, le ciel et la fascination des cyclamens !
Maintenant que plus rien n'existe,
Oubliés, les odeurs d'herbe froissée, le dessous des arbres.
Oublié l'art, oubliés le beige, Béjart et les arpèges.
Englouti hier, englouti demain,
Tout enseveli.
Maintenant que plus rien n'existe, sinon ce lit
Qu'il n'y a plus rien à espérer des ondes, des sondes, de ce monde en rade,
Et nul goutte-à-goutte pour raviver la chamade,
Plus de sol, plus de plafonds ni de murs,
Que le fil de mon âme au bord du point de rupture,
Maintenant que je me survole et me vois en vrai : un paysage désolé,
Que je ne suis plus tout, que je ne sais plus rien ou le contraire,
Qu'il ne reste de moi qu'un peu de sel et d'eau sur la joue de mon père,
Maintenant, je reviens.
Ni les mots ni les rêves,
Maintenant que plus rien ne m'agite
Ni sève
Ni souffle
Ni sang,
Pas même le désir du néant,
Je vais nu comme avant le temps et le chagrin, le prime vent, la primevère,
Avant le satin du premier matin d'hiver.
Comme quand j'étais braconnier d'équinoxes,
Dompteur d'oxymores, inconnu des équations, des codes-barres, des radars.
Amniotique et déserté, j'étais chanteur quantique, danseur d'écliptiques,
Sans plan sur la comète,
Sans queue ni tête.
J'attendais là, lové au nadir,
À dire des aurores,
À prédire des envolées, des pétales,
Des horreurs boréales.
J'attendais là, inondé,
Là où roule la houle amère du point du jour, du point de non-retour,
Là où la mer se terre encore dans le décor étrange d'un corps étranger
Maintenant que le vif pèse autant que le lent,
Que mes yeux n'ont pour ultime horizon que le rêche de ce drap blanc,
Dans cette chambre sans table sinon celle des matières,
L'antichambre de l'antimatière,
Maintenant que rien n'a plus de sens : enfance, violence, arrogance...
Quelle importance l'air, les nues, les annuaires, le vert des rizières ?
Dérisoire, j'erre nu dans l'éther,
Infime influx électrique, onirique effluve à la dérive
Sur la rive des rêves-fleuves d'un géant inouï
Alangui au-delà des dunes-frontières d'un univers évanoui.
Partir partout ? J'en suis revenu.
Meknès, Paros, Sidi Bel Abbès, Laos... dans quel but ?
Nha Trang, Luang Prabang, Angkor... perdu l'azimut.
J'ai essayé l'errance
Goûté la danse, la transe, les substances
J'ai bu, j'ai cru, j'ai sué...
Couru après des femmes à barbelés.
J'ai suivi des hommes affables, fait tourner des tables,
Ausculté les nombres, fouillé le sombre...
Tout ça, je l'ai fait.
J'ai pleuré des égéries et j'ai tari mes larmes
Foutaises, le miel ! Foutaises, le ciel et la fascination des cyclamens !
Maintenant que plus rien n'existe,
Oubliés, les odeurs d'herbe froissée, le dessous des arbres.
Oublié l'art, oubliés le beige, Béjart et les arpèges.
Englouti hier, englouti demain,
Tout enseveli.
Maintenant que plus rien n'existe, sinon ce lit
Qu'il n'y a plus rien à espérer des ondes, des sondes, de ce monde en rade,
Et nul goutte-à-goutte pour raviver la chamade,
Plus de sol, plus de plafonds ni de murs,
Que le fil de mon âme au bord du point de rupture,
Maintenant que je me survole et me vois en vrai : un paysage désolé,
Que je ne suis plus tout, que je ne sais plus rien ou le contraire,
Qu'il ne reste de moi qu'un peu de sel et d'eau sur la joue de mon père,
Maintenant, je reviens.