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DES BANCS ET DES HOMMES
Marie Lorioux

J'ai besoin de souliers un peu yéyés,
Je traverse à petits pas
une ville portuaire très chic, tourhystérique.
Une deux ! Une deux !
Bang ! Je tintinnabule,
Soudain me bouscule, une grosse dondon aux yeux ronds.
Je poursuis,
À l'affut,
Avale des vitrines, lèche des étiquettes, déglutit des offres prÉmotionnelles
si j'en prends une j'en ai deux !
si tu en prends deux t'en as trois !
si tu en prends trois tu...  !
Hue ! Dada !
Tuttut ! Me pousse encore de merveilleux trésors, aux canines ciselées
Je veux ça et ça et ça...

Si j'en prends une, j'en ai deux !
Si tu en prends deux, t'en as trois !
Et Glou et Glou et glou
Glouglouglou
Des tourhystériques cravachent, débordent, saccadent
Je veux la rouge à 50 !
Je veux celle où tu en as deux ! trois, quatre !
En cascades...
À grandes volées de sacs débordants, dégueulants, ventripotents.

Le petit train passe,
Ses clochettes zinzinulent
Si vous en voulez une deuxième, pas de problème ! j'en ai en réserve !
je zinzinule
J'en ai !
zinzin
J'ai !
oscille tangue
les voiles emmêlées, tempête
vertige / vestige vide des étiquettes
et soudain dézingue, cavale, m'emballe
et FUIS 
à toute tête et sans jambes retournées !


Un peu de bois et d'acier
Ouf !
Je m'assois
Et là soudain... J'ouvre les yeux !
Décille
m'EXILE un instant


Côté droit : des chênes emmêlés
Délient leurs longs corps noirs et s'étirent
Se tordent
S'enchevêtrent à qui mieux être.
Ils sinuent,
En panthère et en creux,
Sillonnent...
Au fond du fossé bleu :
Ils cherchent la rivière.


Vieux danseurs noueux et tendres !
Un ballet feuillu merveilleux à l'aube de midi


Mes yeux se délient, s'ouvrent encore
Coté gauche : de profonds buis tournicotent,
Sombres râles humides
Foutraques
Et tordus.
Humus ! Terra incognita en vers de terre épanouis,
Terra decompuesta et tout le tralala...
De véritables Sorcières, aigres
Sans égard sans regard sans rondeur
Vitupèrent et sifflent
comme de vieux serpents à sornettes : psiiiiiiiii !


Plus loin,
Une immensité verte et replète... et..
Deux cerisiers en fleurs !
Ils débordent
s'envolent
tournent
en larges corolles :
Deux femmes épanouies à robes de neige.


À côté, en triangle étrangement équilatéral
Trois sapins pouilleux, esseulés,
l'épine en berne
Décharnés
tremblotent
comme de vieux tromblons


Double samare collés sur le bec
Une flopée de moineaux
jouent aux indiens autour
À tire d'ailes
et donnent l'assaut !
Ça penche...
Déséquilibre
Ils tournent en bourrique
De vieux cow-boys au bord du trépas
Pas tout à fait gagas


je ris


Un jeune homme fait le poirier,
Une pomme brune se promène dans les papillons avec une petite cerise noire
Quand Oh ! derrière moi !
Un nouvel érable se déploie
s'époumone et danse
Vaporeux
En crinoline rouge et fauve :
Une Gitane à la robe de feu !
Tous sinuent et épousent une danse étrange et alerte
Et leurs ombres sur l'herbe verte dessinent des rivages inconnus et nouveaux !
Terra incognita
humanités etc


suis une voyante heureuse


Danseurs en chêne, Mémés bruissantes, Femmes en corolles, Jeunes filles cerise, Vieux sapins dépouillés et pouilleux, Moineaux au bec en samares, Amoureuse à robe fauve et saure...


Aux branches noueuses, mêlées, tordues, cassées, empêtrées, délicates, fragiles ou folles...


Je vous aime !

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