Un concept : l'éphémère
Géraldine Dauphin
Tic
Ne vous êtes-vous jamais demandé ce qui pouvait bien se glisser entre un "tic" et un "tac" d’une montre à gousset, d’une horloge de gare ou de quartier. Quelle chose suffisamment subtile peut arriver à s’immiscer entre ces deux jalons du temps qui passe, entre un début et une fin qui n’en finissent pas de recommencer, entre un cri de nouveau-né et un souffle déjà trop long ? Quel concept fabuleux peut bien remplir cet interstice entre deux interstices ?
Le futile, sans doute, transitoire, qui s’efface déjà sans laisser de trace. L’essentiel, assurément, qui inscrit sa course indélébile dans nos mémoires.
Si l’éphémère est le passage, il n’existe sans aucun doute que par comparaison au temps long. L’éphémère tire sa valeur de la fugacité qui devient la consistance même de ce qu’il est : un laps de temps dans un temps qui s’épanche. Le passage du grain de sable dans l’échancrure du sablier, le glissement de la trotteuse vers sa position d’après, l’ombre mouvante du soleil sur le cadran.
L’éphémère est-il le temps figé entre deux temps ? Ou bien est-il au contraire la course rapide, insaisissable où la ligne d’arrivée devient déjà la ligne de départ ? Comprendre l’éphémère, c’est peut-être savoir zoomer sur sa singularité, prendre le cliché du moment précis. Mais comprendre l’éphémère, c’est peut-être aussi accepter de se laisser porter par sa temporalité, son instantanéité, de n’obéir à aucune loi, d’accepter l’idée qu’il n’y ait justement pas d’idée précise à percevoir, juste vivre.
Ne vous êtes-vous jamais demandé ce qui pouvait bien se glisser entre un "tic" et un "tac" d’une montre à gousset, d’une horloge de gare ou de quartier. Quelle chose suffisamment subtile peut arriver à s’immiscer entre ces deux jalons du temps qui passe, entre un début et une fin qui n’en finissent pas de recommencer, entre un cri de nouveau-né et un souffle déjà trop long ? Quel concept fabuleux peut bien remplir cet interstice entre deux interstices ?
Le futile, sans doute, transitoire, qui s’efface déjà sans laisser de trace. L’essentiel, assurément, qui inscrit sa course indélébile dans nos mémoires.
Si l’éphémère est le passage, il n’existe sans aucun doute que par comparaison au temps long. L’éphémère tire sa valeur de la fugacité qui devient la consistance même de ce qu’il est : un laps de temps dans un temps qui s’épanche. Le passage du grain de sable dans l’échancrure du sablier, le glissement de la trotteuse vers sa position d’après, l’ombre mouvante du soleil sur le cadran.
L’éphémère est-il le temps figé entre deux temps ? Ou bien est-il au contraire la course rapide, insaisissable où la ligne d’arrivée devient déjà la ligne de départ ? Comprendre l’éphémère, c’est peut-être savoir zoomer sur sa singularité, prendre le cliché du moment précis. Mais comprendre l’éphémère, c’est peut-être aussi accepter de se laisser porter par sa temporalité, son instantanéité, de n’obéir à aucune loi, d’accepter l’idée qu’il n’y ait justement pas d’idée précise à percevoir, juste vivre.
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Même si l’on parle ici de l’éphémère comme d’un instant, la question du temps n’a de sens seulement si on le conçoit comme une durée. Par conséquent, c’est la comparaison des durées qui fait qu’un moment peut être considéré comme éphémère. Pour aller dans ce sens, prenons Ephemeroptera, ce papillon au nom évocateur. Sa particularité est de posséder des ailes qui ne se rabattent jamais et d’être en mouvement quasi perpétuel au cours de son existence. La perpétuité s’opposant ici à l’éphémérité.
Généralement, nous parlons de cet insecte en songeant à sa faible longévité. Mais là encore, nous effectuons une comparaison. En effet, nous opposons sa durée de vie à celle d’un autre être vivant, l’homme. Donc, le nom donné par les scientifiques à cet animal n’a de sens que dans une échelle de temps donnée définie et conçue par lui-même.
Alors, de qui ou de quoi sommes-nous l’homo Ephemeroptera ? Si nous replaçons l’humain dans le temps géologique, nous devenons nous-mêmes l’éphémère d’une matrice universelle dont notre durée de vie ne représente pas plus que le temps entre un "tic" et un "tac d’une horloge métaphysique dont il nous est impossible d’assimiler le concept puisque hors de toute temporalité entendable par l’homme.
Généralement, nous parlons de cet insecte en songeant à sa faible longévité. Mais là encore, nous effectuons une comparaison. En effet, nous opposons sa durée de vie à celle d’un autre être vivant, l’homme. Donc, le nom donné par les scientifiques à cet animal n’a de sens que dans une échelle de temps donnée définie et conçue par lui-même.
Alors, de qui ou de quoi sommes-nous l’homo Ephemeroptera ? Si nous replaçons l’humain dans le temps géologique, nous devenons nous-mêmes l’éphémère d’une matrice universelle dont notre durée de vie ne représente pas plus que le temps entre un "tic" et un "tac d’une horloge métaphysique dont il nous est impossible d’assimiler le concept puisque hors de toute temporalité entendable par l’homme.
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Même si nous pensons avoir perçu la composante propre de l’éphémère, nous sommes parfois amenés à utiliser un objet dont le nom précisément nous place dans une situation conceptuelle paradoxale. Il s’agit bien sûr de l’éphéméride.
En effet, jour après jour, nous accumulons les temps éphémères à l’échelle d’une vie d’homme et c’est la somme de ces durées journalières qui imprime les marques d’un temps long. Cela met au jour la contradiction sémantique, provoquant une indéniable collision d’idées.
Alors quelle position devons-nous adopter ? Celle de mettre en valeur le temps fuyant, riche de sa propre expression, de sa propre consistance apportant avec lui l’instant à vivre, à palper. Ou bien devons-nous construire une vie sur un algorithme mathématique où l’accumulation de durées structurées donnerait de la substance à nos vies par la multiplication d’événements ?
En effet, jour après jour, nous accumulons les temps éphémères à l’échelle d’une vie d’homme et c’est la somme de ces durées journalières qui imprime les marques d’un temps long. Cela met au jour la contradiction sémantique, provoquant une indéniable collision d’idées.
Alors quelle position devons-nous adopter ? Celle de mettre en valeur le temps fuyant, riche de sa propre expression, de sa propre consistance apportant avec lui l’instant à vivre, à palper. Ou bien devons-nous construire une vie sur un algorithme mathématique où l’accumulation de durées structurées donnerait de la substance à nos vies par la multiplication d’événements ?
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Dans l’imaginaire collectif, l’éphémère est constitutif d’une approche poétique, voire artistique diffusant des images furtives issues de tableaux dont nous sommes le seul peintre, nous situant dans un présent déjà consommé, appartenant pour ainsi dire au passé. L’éphémère nous place donc dans un espace-temps fugace où tout peut être entrepris, un espace de liberté propre à chacun, autorisant tous les possibles, avec ou sans enjeux pour nous-mêmes.
Chers humains, si vous venez d’achever la lecture de ce texte, c’est que vous venez de vivre un temps éphémère !
Tac
C’était « Sur les épaules de Gershwin », une émission présentée par Jean-Claude Allézen. Je vous rends l’antenne, à vous les studios !
Chers humains, si vous venez d’achever la lecture de ce texte, c’est que vous venez de vivre un temps éphémère !
Tac
C’était « Sur les épaules de Gershwin », une émission présentée par Jean-Claude Allézen. Je vous rends l’antenne, à vous les studios !