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5 mai : jour du dépassement
Géraldine Dauphin



Sacré Georges ! Il y a plus d'un siècle maintenant que tu m'a planté ta fusée dans l’œil, et je dois dire que depuis je ne vois plus le monde de la même façon. D'ici, j'observe que ces petites fourmis auxquelles tu appartenais, sont devenues bien noires, qu'elles grouillent sur ton orange bleue délavée. 

Je les vois s'activer, petites choses rapides, toujours pressées. Leurs mandibules déchirant la peau du fruit juteux sur lequel elles s'agitent et pullulent, traçant des sillons qui le défigure. Insectes xylophages, se nourrissant de l'écorce du monde. Insatiables prédateurs, se gavant de la terre sur laquelle ils fabriquent, turbinent, construisent. 
Piètres fondations pour ce monde, installé sur un sol mouvant, creusé et percé de toutes parts par leurs envies... leurs folies. 
Avides petites bestioles, détruisant leur pulpe nourricière.

Tu sais Méliès, il m'arrive de me dire que l'univers s'est trompé. Qu'il doit revoir sa copie, que dans l'organigramme des planètes, la Terre a perdu sa place. Je me sens satellisée, j'ai le tournis. Ça ne tourne plus rond !  
Homo sapiens se perd, mais homo sapiens pense, sait mieux que quiconque. Absorbe sa peau, fond dans son manteau, consomme sa propre chair. Jamais rassasié. Plein de lui-même et de son hôtesse. Ogre imbécile aux allures de roi. Conquérant de terres vierges. Plus de zones à défendre ! 

Je les regarde et je ris. Guidées par leurs antennes boulimiques, elles ont colonisé tous les espaces. Ces orgueilleuses petites choses, à la bouche asséchée par la soif de posséder, de dominer, de convoiter, se propagent jusque dans les interstices les plus arides, imaginant récolter… encore et encore.
Je les appelle mes ridicules, pas si précieuses d'ailleurs. Elles m'occupent, m'intriguent... m'indignent, bien sûr. Je suis fascinée par leur capacité à ne rien entendre. Comment l'intelligence collective a-t-elle pu être reléguée, oubliée, disparaître au profit du profit ?
Je sais que la Terre ne les portera plus longtemps, qu'elle est fatiguée, qu'elle est devenue une vieille dame malade, appauvrie. Elle s'épuise de ses ressources qui ne sont plus si naturelles. 
Quel autre animal au monde détruit sa matrice, le substrat sur lequel il croît ? Qui ferait le choix morbide de ronger la substantifique moelle de ses propres os ?

Georges, n'est-ce pas risible ? Moi qui me suis sentie si seule, sans petites fourmis pour courir sur mon relief, pour me chatouiller les entrailles. Si pâle, sans éclat à côté de ta Terre chatoyante. Aujourd'hui, je me trouve lumineuse, préservée, sans personne pour me ronger, me grignoter la surface quand d'autres gloutons se goinfrent des antres de ta planète.
Je te livre ma face cachée, Méliès ! Il est vrai que les humains ne rêvent plus, se sont détournés de moi, ne sont plus dans la lune. À présent, ils préfèrent amasser des richesses au détriment d'eux-mêmes, quelle pauvreté d'âme ! 
Ridicule, te dis-je !

Le 5 mai 2018 a été le jour du dépassement. Les Homo sapiens du pays France ont consommé toutes les ressources que leur orange bleue pouvait leur offrir. L'année va donc se poursuivre à crédit… Combien de temps encore ?

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